Un article de Christine Sagiadinos-Laurent.
Dans cette période de crise que nous traversons, un grand nombre de dirigeants et de managers vivent dans l’incertitude et la perte de repères ; ils ont de plus la responsabilité d’accompagner leurs collaborateurs qui sont aussi souvent en souffrance, en manque de liens et émotionnellement épuisés. Sur le sujet du télétravail plus précisément, le docteur en psychologie Marie Pezé, spécialiste de la souffrance au travail, estime que “la perte du contact avec les collègues” a pu être très difficile pour les salariés.
Les entreprises cherchent différents moyens pour remédier à cette situation de détresse et d’isolement des collaborateurs; une des réponses possibles consiste à mettre en place des groupes de « Codéveloppement » au sein de leur organisation.
En quelques mots, le Codéveloppement (Codev) qu’est-ce que c’est ?
“Le codéveloppement est un processus apprenant d’intelligence collective, structuré en six étapes qui permet de prendre du recul, d’apprendre sur soi et de prendre appui sur les autres membres du groupe pour grandir et faire évoluer son identité professionnelle”, mis au point par Adrien Payette et Claude Champagne dans les années 90.
Le Codev, un processus qui agit sur trois leviers :
- Au delà de la résolution de problèmes, le Codev offre un espace de soutien émotionnel, précieux; un groupe de pairs à qui confier ses préoccupations, ses problèmes ou projets de manière authentique et dans un environnement bienveillant. Je vais apprendre des autres participants, d’autres façons d’agir, de me comporter. Je vais oser être moi-même différemment; une belle opportunité pour progresser sur ses compétences émotionnelles et relationnelles.
- La dernière phase du processus agit comme un levier de croissance personnel et professionnel. Comme le spécifient Adrien Payette et Claude Champagne dans leur livre fondateur de la méthode « Les groupes de Codéveloppement Ed PUQ 2002 », la phase d’apprentissage est une étape clé, bien plus importante que la phase de consultation qui est souvent mais à tort, considérée comme étant le cœur du processus. En effet, la phase d’apprentissage est l’opportunité d’un regard réflexif sur soi-même, de prises de conscience de ses valeurs, de ses croyances limitantes; un véritable travail sur l’identité professionnelle s’opère. Cet apprentissage est appelé apprentissage en double boucle car il questionne notre façon d’agir, de penser et de nous comporter. Il va au-delà de l’apprentissage en simple boucle, apprentissage par essai-erreur qui ne questionne pas l’identité et ne remet pas en question l’action mais ne fait que la corriger, sans changement de paradigme. un bilan personnel sur l’évolution de ses croyances, sur la dynamique de groupe et sur le processus lui-même.
- Avec le temps, la confiance grandit, les sujets sont traités avec de plus en plus de profondeur et l’intelligence collective se développe alors entre les membres du groupe. On constate un nouvel état d’esprit plus collaboratif et des valeurs humaines qui vont diffuser et avoir un impact positif sur toute l’organisation.
Le codéveloppement, un “truc de plus” ou une vraie réponse pour soutenir les organisations en temps de crise ?
En pratiquant le codéveloppement, les dirigeants et les managers développent de véritables qualités de manager coach ; ils apprennent à mieux écouter, plus finement; ils s’entrainent à questionner sans induire de réponses, à gérer leurs “frustrations” de n’avoir pu tout dire … Ils apprennent aussi à s’entraider, à devenir de meilleurs professionnels de leur métier, de meilleurs responsables des achats, de meilleurs managers… de meilleurs coachs ou consultants en prenant de la hauteur et en s’appuyant sur l’expérience et le savoir-faire des autres membres du groupe. En renforçant la posture coach des participants, quelque soit leur fonction, le codéveloppement est une formidable ressource pour traverser les crises.
Quelques témoignages de participants sur leurs apprentissages en Codev:
- Améliorer ses compétences de communication :
– “Le Codev m’a appris à me canaliser, m’imposer des contraintes, gérer mes frustrations; Réussir à poser des vraies questions ouvertes, augmenter mon niveau d’attention par rapport aux écrans ; écouter à un meilleur niveau, laisser du temps pour les vrais silences, mesurer l’importance de poser la question des contraintes de perception de l’autre avant de chercher une solution, (sorte de phase de clarification utile dans toute discussion)”
- Revisiter ses valeurs :
– “J’accorde plus de confiance aux autres ; être généreux me donne la satisfaction de me sentir utile”.
- Faire évoluer ses convictions :
– “Le Codev m’a permis d’être plus spontané; j’avais confiance en ma capacité à animer et je pensais qu’il n’était pas facile de parler quand je ne suis pas inspiré, et finalement j’ai trouvé l’inspiration en parlant. Considérer à la fois l’aspect humain et l’objectif à atteindre en cas de conflit, permet de trouver de meilleures solutions. Me mettre à la place de l’autre et sortir la tête du guidon me permet d’aller plus loin ; c’est quelque chose d’important pour moi”.
- Mieux décider
– « Le Codev m’aidé à avoir les idées plus claires, et à mieux décider de mes plans d’actions »
- Développer l’intelligence collective
– « Je constate plus de créativité et un meilleur niveau de confiance dans mes équipes. Les outils d’Intelligence Relationnelle m’ont permis d’affirmer mon leadership et indirectement de dépasser les résultats attendus avec mes équipes. Nous avons développé un niveau de confiance et un plaisir à travailler ensemble qui est un véritable catalyseur de réussite »
– « La confiance partagée entre les membres de ce groupe est irremplaçable »
« Quelle puissance cet espace de liberté dans ce cadre organisé ! Le rythme du processus est un excellent vecteur de créativité et d’écoute »
Conclusion :
Le codéveloppement, processus d’intelligence collective qui permet aux participants de croiser leurs expériences, d’enrichir leurs savoir-faire, à partir de l’existant et de ce qu’ils savent déjà, est précieux. Pas de dépense supplémentaire, pas de grands moyens à mettre en œuvre. Les bénéfices sont grands et les risques d’échec, faibles; une des clés du succès réside dans l’élaboration d’une charte de constitution et de fonctionnement des groupes, claire et complète. Un cadre bien posé, sécurisant pour tous, qui permet la liberté à l’intérieur. En améliorant les compétences émotionnelles et collectives des participants, la facilitation en codéveloppement, comme le coaching, sont des compétences clé dans les organisations de demain.
À propos de l’auteure :
Christine Laurent, coach certifiée PCC, fondatrice de Xena Conseil, créatrice de GraphiCodev, Formatrice à l’école Activision Coaching Institute.