Portrait de Marie-Laurence Hiller, signé par Brigitte Gurfinkiel
Comment êtes-vous devenue coach ?
Pendant 15 ans, j’ai été directrice des ressources humaines dans de grands groupes. Mon travail consistait notamment à accompagner le changement au sein des organisations, et à aider les dirigeants à acquérir de nouvelles pratiques de management. Avec une constante : un intérêt pour l’humain dans les organisations. Et un fil directeur : amener les personnes à se révéler, à s’épanouir afin qu’elles « habitent leur métier » tout en se réalisant. J’ai découvert le coaching dans le cadre de mes fonctions en tant qu’acheteuse de prestations d’accompagnement. Je me suis formée au coaching il y a une quinzaine d’années. Certifiée PCC, je suis superviseure de coachs depuis 8 ans, formée et certifiée par le CSA (Coaching Supervision Academy).
Vous mettez l’accent sur le coaching durable. En quoi cela consiste-t-il ?
Mes coachings sont des coachings de l’équilibre, pas de la réussite économique à tout prix. Je pense qu’on ne doit pas avoir à choisir entre s’épanouir et réussir : au contraire, plus on s’épanouit, plus on arrive à réaliser ses objectifs. Il faut passer d’une logique du ou à une logique du et. Cette approche durable est essentielle à mes yeux : fabriquons un monde qui nous fait du bien, un développement qui révèle l’humain, afin de réconcilier l’épanouissement individuel et la réussite collective.
Vous parlez aussi d’un coaching de la danse ?
Un accompagnement, c’est comme une danse, un espace de co-création, une sorte de partenariat. Comme dans un tango, par exemple. Il faut beaucoup de technicité ; mais cette technicité ne sert à rien s’il n’y a pas le cœur. Dans un coaching, chacun inspire l’autre. Le coaché mène la danse, car c’est sa danse à lui. Et le coach s’inspire du coaché en retour. J’aime cette fluidité, qui n’est possible que par ce que le coach est en ouverture de cœur.
Et le recours à la nature ?
J’emmène mes clients en forêt ou dans un jardin. Il se produit alors une danse, avec la nature comme invitée. Avec une ouverture des sens à partir de ce que l’on voit, ce qu’on entend, ce que l’on sent… Cela permet de travailler de façon plus légère à partir de métaphores : le chant des oiseaux, les harmonies de fleurs qui évoquent au coaché telle ou telle situation. Il est par ailleurs établi, que la nature a un impact direct sur la santé et le bien-être : après 20’ dans la nature, les indicateurs de rythme cardiaque et de tension artérielle sont impactés. La personne est plus à l’écoute d’elle-même dans la nature qui apaise les émotions et améliore les constantes physiologiques. Dès que je peux, j’emmène des groupes travailler dans la nature : cela permet de dépasser les conflits d’ego de chacun et d’obtenir des résultats rapides. La nature médiatise les échanges, facilite la communication, et permet de se retrouver sur une vision commune. Avec un groupe, le format d’une journée, avec une dernière séquence en salle pour élaborer le plan d’action, est très efficace. Je propose des séances dans la nature en fonction de la culture et de l’environnement de l’entreprise, du client et de l’analyse du besoin. L’idée du travail en extérieur n’est pas toujours culturellement admise dans les organisations, certains décideurs estimant qu’il n’est pas bien sérieux de se promener. Je considère que mon rôle est d’ouvrir les esprits et de semer la graine.
Comment avez-vous été amenée à proposer cette approche ?
Ma sensibilité, mon expérience, ma spiritualité, ont joué, bien évidemment. Mais aussi une rencontre avec Jean-Luc Chavanis qui a développé une méthode d’accompagnement « hors des murs ». À cela s’est ajouté le travail avec des médecins et des thérapeutes, qui m’ont conforté dans cette approche. Le retour à la terre, à la matérialité des choses, c’est pour moi quelque chose d’essentiel. J’apprends davantage par l’expérimentation concrète, sensorielle, que par les livres… Et puis la nature est offerte. J’habite d’ailleurs dans un milieu naturel, à Aix-en-Provence.
Comment vous ressourcez vous au quotidien ?
Sortir au quotidien, est pour moi une règle d’or, surtout depuis la pandémie où le travail en distanciel s’est beaucoup développé. Je commence généralement ma journée par la marche. Je fais aussi du jardinage : mettre mes mains dans la terre, sur des végétaux, m’apporte beaucoup. J’essaye d’aménager des temps pour moi. Car il ne faut ne pas oublier qu’avant d’être des coachs, nous sommes des êtres humains avec des besoins, des désirs… qu’il faut honorer. Je pratique le Gospel (qui permet de lâcher sa voix), la danse et le sport. Et bien entendu, les randonnées pour pouvoir me retrouver dans la nature. En tant que coach, il est nécessaire de prévoir des espaces personnels et professionnels pour rester en équilibre, faire son propre ménage interne et se ressourcer ; la supervision, la thérapie en font partie.
Mon cheminement est lié au credo intégré lors de ma formation à la supervision avec le CSA : « who you are is how you coach ». Je travaille en présence et en ouverture de cœur avec une vigilance particulière sur l’éthique et la déontologie.
Avez-vous une anecdote qui illustre votre pratique ?
Il y a quelques temps, j’ai accompagné le staff de direction d’une clinique de ma région. Il y avait un enjeu important lié au retour à domicile des patients après des soins hospitaliers. J’ai proposé à la directrice d’emmener toute l’équipe de direction à l’extérieur pour travailler sur le sens de leur travail, avec une vision, des objectifs et des engagements communs. La directrice avait tendance à porter beaucoup son équipe. Au cours du travail en extérieur, elle a changé de positionnement : elle qui était devant tous, et souvent seule loin devant, s’est retrouvée naturellement au milieu de son équipe. Les choses se sont traduites dans les plans d’actions : de petits groupes composés de soignants et de personnels techniques se sont formés pour prendre en charge des activités spécifiques au service de la collectivité (protocole d’accueil des patients, par exemple) sans que l’implication de la directrice ne soit nécessaire dans tous les groupes. Les engagements ainsi définis ont été mis en œuvre et une dynamique collective s’est recréée. La belle image finale de la directrice entourée de son équipe m’a laissé un souvenir émouvant.
Peut-on réaliser en distanciel un accompagnement dans la nature ?
On peut accompagner dans la nature et par la nature à des milliers de kilomètres. J’ai ainsi accompagné, de mon bureau, à distance, une personne, qui habite la Suisse. Pour la séance, elle s’est rendue sur la terre de son enfance et a revu l’endroit où elle jouait quand elle était petite. C’est un très bel arbre qui a servi de déclencheur : elle a pu se reconnecter à ses racines, retrouver le sens de son action et aligner son futur professionnel. Nous étions en communication audio et de temps en temps, elle me montrait ce qu’elle voyait avec son smartphone. J’étais là pour l’accompagner sur son chemin. Il n’y a pas de limites dans ce type d’accompagnement.
Pour vous, quelle est la qualité première d’un coach ?
En premier lieu, la conscience de soi, de l’autre, de ses manques aussi, pour pouvoir demander de l’aide le cas échéant. Et en parallèle, l’ouverture du cœur. J’attache également une grande importance à l’engagement, à l’intégrité dans la pratique, et au respect de la personne. C’est cet ensemble qui va permettre d’aller au-delà du point qu’on pensait
atteindre. Il faut remettre les outils de coaching à leur juste place : ce ne sont pas les outils qui déterminent la réussite de l’accompagnement, c’est l’être et la posture.
Vous êtes très impliquée à ICF ?
Le coaching est une profession dans laquelle il est difficile de rester pertinent si on est isolé. Nombreux sont les dangers de l’isolement : s’enfermer dans ses croyances, ou ne plus évoluer, par exemple. J’ai foi en ce métier et en son développement professionnel et éthique. Mon passé de RH me rend très exigeante sur la « propreté du travail ». ICF me paraît être la fédération la plus congruente : internationale, avec une ouverture interculturelle qui me tient à cœur, un processus de certifi cation très sérieux et juste, une régulation du métier par des personnes qui ont conscience de ses potentialités mais aussi de ses failles. Je suis membre active à l’ICF depuis 10 ans : dans un premier temps, au bureau d’ICF Provence, puis au Conseil d’administration d’ICF France – en charge de la professionnalisation -, et enfin Présidente de l’antenne ICF Provence. J’ai à cœur de m’impliquer dans la construction de ce métier qui est encore en devenir. Et d’être dans la rencontre, le partage, la solidarité et la transmission.
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