Portrait de Daniel Poly, signé par Brigitte Gurfinkiel
C’est en bénéficiant d’un coaching que vous avez découvert le coaching !
En 2001, j’étais DRH dans une grande société chimique et je traversais une période difficile. J’ai demandé à bénéficier d’un coaching. Au cours d’une séance, j’ai eu un « insight » et je me suis dit « c’est le métier que je veux faire » ! À partir de 2003, j’assume une mission de coach interne, ce qui m’aide à préparer mon tournant professionnel. Et en 2004, je décide de quitter la « grande matrice » de l’entreprise pour m’installer et naître à moi-même. Même si à l’époque le chiffre d’affaires de ma société ne dépassait pas mon salaire net d’alors, je n’ai jamais regretté ce choix décisif dans mon évolution.
Un parcours qui est « devenu une destinée » ?
J’ai effectué ma formation au coaching avec Vincent Lenhardt, et avec une succession de formations : PNL, hypnose eriksonienne, AT, développement de conscience et thérapie énergétique, etc. Ces formations, combinées aux rencontres qu’elles ont suscitées, m’ont transformé en me rendant plus conscient de moi-même. Cet ensemble a dessiné un parcours qui est devenu une destinée.
Le coaching est un métier extraordinaire où on peut apprendre en permanence – et c’est infini –, sur soi, sur la conscience de soi, sur les autres…
Y a-t-il des personnes qui vous inspirent dans vos coachings ?
J’ai eu la chance de rencontrer dans mes 20 ans, Caleb Gattegno, mathématicien, grand pédagogue, sportif, qui parlait 43 langues ! Il parlait de la conscience de la conscience : l’éducation, c’est la conscience qui s’éduque elle-même. Les pédagogues doivent créer les conditions de l’apprentissage. C’était déjà dans l’esprit du coaching qui n’existait pas alors en France. Le coaching va développer la prise de conscience.
C’est cette prise de conscience qui va donner envie de changer, de l’énergie pour agir, se transformer et faire différemment.
Vous parlez de l’ascèse professionnelle du coach ?
En effet, le coach doit avoir une exigence de tous les instants, car rien n’est jamais acquis. C’est comme une ascèse professionnelle. Il doit être à la fois humble et confiant dans sa puissance. On est sur le fil du rasoir ! Le coach ne fait rien à proprement parler, il se contente de créer les conditions. C’est pour cela que son parcours est essentiel, afin que sa perception ne soit pas troublée, il lui faut avoir bien « nettoyé ses lunettes ».
Quelle est la spécificité de votre pratique ?
Spécificité peut vouloir désigner différentes choses : outils, clients… J’ai du mal avec ce type de question. Je travaille à partir de moi-même, sans outil particulier. Ma démarche – mais on pourrait dire cela de tous les coachs -, c’est d’être à l’écoute de ce qui émerge et de ce qui est présent et, par là même, de créer les conditions d’une prise de conscience. Avec le temps, j’ai sans doute développé une acuité dans ce domaine. Dans le fond, je n’ai rien à vendre. Et c’est parce que je n’ai rien à vendre que suis vraiment en mesure d’aider mon client à avancer et à prendre ses responsabilités. Tout se joue à un niveau profond, très subtil…
Un coaching réussi, c’est quoi pour vous ?
C’est un coaching où le client est allé au-delà des objectifs qu’il s’est fixés et lorsqu’il commence à sentir qu’il exprime son plein potentiel. Il est venu avec une demande particulière, il repart avec le résultat et, en plus, il a appris quelque chose sur lui qui lui permet d’avoir davantage conscience de la réalisation de son plein potentiel.
Avez-vous des anecdotes qui illustrent votre pratique ?
La première concerne certains a priori que l’on peut avoir en tant que coach. Un jour, j’ai été contacté pour coacher la directrice d’une charcuterie industrielle. Je trouvais que ce milieu professionnel était lié à la mort plutôt qu’à la vie. Et en voyant cette personne extrêmement affairée, je pensais qu’elle n’avait pas trop envie de suivre un coaching. Le premier contact a été surprenant : elle m’a parlé de son fils, et, progressivement elle a commencé à s’ouvrir… Aujourd’hui, cette directrice fait du yoga, de la méditation. Elle a conjugué deux aspects de sa personnalité : rester dans ses fonctions tout en changeant son approche du management en ouvrant sa conscience.
La deuxième concerne les transformations concrètes que peut entraîner un coaching. J’ai accompagné un homme qui travaillait dans un grand groupe dans le secteur de l’eau et du traitement des déchets. Tout en étant docteur en chimie, il avait une sensibilité d’artiste. Quelque temps après, il a créé une famille, est devenu musicien dans un groupe et a fini par créer sa propre activité.
Je suis toujours surpris lorsque, 15 ans après un coaching, des personnes me recontactent et me disent « j’ai toujours mon carnet avec mes notes ».
Je constate que les graines qui sont semées donnent souvent de beaux arbres. On ne peut pas en dire de même pour les systèmes qui, eux, bougent trop peu ou trop difficilement à mon goût.
Vous vous définissez souvent comme le jardinier de la conscience.
Ma formation initiale, c’est l’agronomie, et pour moi, coacher c’est prendre soin du vivant. Il y a une alchimie du vivant, un côté qui nous dépasse. Comme dans le vivant, il y a une dimension sacrée qui ne demande qu’à se développer. Les arbres n’ont pas besoin de nous pour pousser. Ils ont seulement besoin qu’on n’entrave pas leur développement. Pour la conscience, c’est la même chose, pourvu qu’on n’entrave pas son développement. Moi, je prends soin de ce petit coin de conscience.
Vous exercez des responsabilités à ICF ?
Je suis membre d’ICF depuis 2003. J’ai commencé à prendre des responsabilités à la Commission coaching et sport et j’ai présidé l’antenne Rhône-Alpes-Auvergne d’ICF. J’y ai introduit la gouvernance sociocratique : en particulier, les présidents d’antennes sont élus sociocratiquement, c’est-à-dire sans poser leur candidature. La prise de décision se fait avec 100% de consentement. Par ailleurs, j’ai contribué à créer le Comité de professionnalisation de l’ICF dans lequel je suis resté une dizaine d’années.
Avez-vous des envies pour les coachings à venir ?
J’aimerais coacher davantage d’acteurs de la transformation des territoires, en particulier les élus locaux qui en ont particulièrement besoin.
J’observe toutefois qu’il n’y a pas trop de demandes de la part de ce milieu-là.
Et puis j’aimerais mettre ma compétence de coach au service du repositionnement professionnel. À cet égard, je participe au mouvement « Circle for future » www.circleforfuture.com. L’objectif est de former des groupes de pairs afin de les aider à grandir et agir afin d’avoir un impact sur leur vie et leur environnement. Le principe est que si un leader grandit, il fait changer le monde autour de lui.
Lire l’article en PDF