Portrait de Patricia Cloarec Cyprien, signé par Sandra Chategner Dupré
« L’inclusivité qui nécessite de comprendre »
Le sujet des spécialités en coaching est toujours aussi difficile à aborder qu’enthousiasmant. J’interroge Patricia Cloarec Cyprien sur le sujet de ses spécialités en coaching scolaire et profils atypiques.
Patricia, qui n’aime pas les étiquettes, prône la notion d’inclusivité plutôt que de spécialité : « Il y a quand même des expertises. Pour moi, ce serait sur les personnes ayant un sentiment d’inadaptation et d’inadéquation en milieu professionnel ou en milieu scolaire avec l’idée d’aller vers un monde inclusif. Inclusif est un mot exigeant en termes de techniques, de formation continue sur la diversité de l’humanité et de travail sur soi. L’inclusion fait référence à la nécessité de permettre à chacun d’Être tout simplement, avec ses blessures de vie et sa singularité. Cela représente un enjeu fort et complexe pour le coach : accueillir en présence ».
Pour Patricia, la première qualité chez un coach c’est « justement cette présence, qui est pour moi sa qualité d’absence. Cela revient pour un coach à enlever de l’interaction nos propres programmes, nos propres croyances, pour se « plugger » au client, à ses dires et son non-dit, à sa respiration, à son rythme, son grain de peau, son énergie… ».
Patricia a choisi le coaching pour que « chacun se sente compris grâce aux qualités de présence et d’écoute et ose se mettre ou remettre en action, en conscience et dans le respect de soi ». Et chacun, ce sont aussi les victimes de traumatismes, les HPI, multipotentiels, Dys, TDAH, ou encore les personnes Asperger, etc.
« Aller au-delà des mots dans un parcours de reconnexion à soi après un burn-out »
Elle accompagne aussi les personnes en situation de burn-out. « L’avoir vécu et de façon sévère permet de comprendre la force du déni et de repérer les signaux faibles et les dissonances comme le fait de vouloir rebondir vite ».
Elle souhaite ainsi accompagner chacun à prendre du temps pour soi en profondeur : « pour entamer une randonnée à sa propre rencontre et se reconstruire pour devenir l’artiste de sa vie ».
Désormais, Patricia Cloarec Cyprien concilie sa vie de famille, de maman, de femme, d’entrepreneur et de coach sans s’oublier. Elle identifie ses priorités et accepte l’idée d’un « entrepreneuriat écologique pour rester le pilote de mon projet et ne pas être son esclave ».
« Théoriser par l’empirique »
En travaillant sur elle-même, Patricia s’est créée des zones de facilité : « la reconversion, le management, le leadership et le charisme ».
Elle est devenue manager assez jeune et sans formation spécifique et elle l’est restée pendant douze ans. Elle a ainsi rempli les différentes missions du manager à partir d’une page blanche. « J’ai développé des grilles de lecture, théorisé des choses que j’ai fait naturellement grâce à mon MBA ».
En mars 2022, elle publie un livre Repérer et coacher les profils atypiques. Celui-ci marque son intention de porter un regard différent sur le sujet de l’atypisme en milieu professionnel en faisant un pas de côté porté sur l’après : « Une fois le diagnostic posé, les lectures faites dans les livres qui expliquent le fonctionnement neuro-atypiques et les pistes à explorer pour aller mieux, que peut-on faire pour accompagner une personne au profil neuro-atypique à se mettre concrètement en action ? » mais aussi « comment permettre à des coachs professionnels de mieux comprendre ces clients parfois complexes, et retrouver le goût de leur créativité singulière pour s’adapter à chacun grâce aux différents outils et grilles de lecture ? ».
Elle s’est adressée tout d’abord aux coachs professionnels. Son intention est de partager et de mettre en œuvre des stratégies de coaching, « car les coachs sortent de leur formation avec plein d’outils sans toujours savoir les relier, les utiliser avec une intention ».
Elle s’adresse également aux managers, DRH et formateurs pour leur permettre de mieux comprendre ces profils et donner un autre regard au rôle du coaching dans la mise en place d’un système inclusif en entreprise et aux parents pour une meilleure compréhension du fonctionnement de leur enfant et développer un nouveau regard sur leurs difficultés actuelles.
« Payer sa cotisation ICF, c’est dire merci et appartenir. »
Patricia a rejoint ICF au départ pour des raisons pragmatiques. Formatrice, mentor et assesseur dans une école de coaching accréditée ICF, elle passe tout naturellement sa certification PCC pour intégrer l’équipe.
Aujourd’hui elle veut soutenir le gage de sérieux et les valeurs d’ICF par son affiliation et sa contribution : « Payer sa cotisation ICF, c’est dire merci et appartenir ». Elle accompagne beaucoup de coachs, ce qui est un moyen efficace de transmettre sa vision singulière du coaching dans un cadre commun et international. L’avenir pour Patricia, c’est de transmettre une posture, de former des coachs inclusifs.
« Le monde inclusif c’est mon rêve. »
Avec le recul, elle s’aperçoit que sa vie professionnelle a été ponctuée de « choses possibles qu’elle croyait pourtant impossibles ».
Son rêve, aujourd’hui, est de relier l’école, l’entreprise, le coaching avec un mouvement, fluide d’inclusion : « Je veux porter le message de banalisation de la singularité, voire être une référente en matière de mise en œuvre concrète d’un système inclusif en entreprise et en milieu scolaire. Je souhaite être à l’initiative d’un mouvement où l’Amour (de soi, de l’Autre, du vivant) ne sera pas gnangnan, mais une expertise ! ».
Je demande à Patricia une anecdote au sujet de sa vision de l’inclusion et elle me raconte l’histoire du tournoi de handball de son fils de 8 ans auquel elle assistait. L’équipe était composée de 5 joueurs : 3 garçons et 2 filles. L’entraîneur demandait sans cesse aux garçons de passer la balle aux filles…
« C’est très positif et c’est une des facettes de l’inclusion : faire en sorte que le système accueille la singularité et soit en ouverture à l’Autre. Mais vu de la ligne de touche, maman de 3 garçons, j’ai ressenti une sorte de frustration, d’injustice. Pourquoi les filles devraient attendre gentiment que les garçons décident ou se rappellent de bien vouloir leur donner le ballon ?
Alors, je décide, lors d’une pause entre deux matchs, d’appeler les 2 petites filles pour les entraîner à aller chercher le ballon sans attendre que les garçons leur donnent, avec l’aide complice des garçons. C’est, selon moi, le volet inexploité de l’inclusion : permettre à chacun de s’appuyer sur sa singularité pour agir sans attendre le système ».
Selon Patricia, les deux approchent (mettre en place un système inclusif, et donner à chacun les moyens d’être avec sa singularité) sont nécessaires pour valoriser chacun pour ce qu’il a de singulier.
« Le monde inclusif, c’est mon rêve. Je m’évertue à mettre en œuvre la citation de Gandhi : « Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde ». Je veux incarner l’inclusion synonyme d’amour au lieu d’attendre que la société change. Et, je me bats parfois contre moi-même et mon manque de confiance toujours présent pour agir et contribuer à ce monde qui me tient à cœur ».
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